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Promenons-nous dans les bois…

Le parc du château de Pau, un patrimoine naturel qui traverse le temps. Avec ses 23 hectares de superficie, le parc du château de Pau est un écrin de verdure en plein centre-ville qui fait figure, autant d’espace naturel, que de témoin privilégié d’un patrimoine historique qui traverse le temps. Un lieu de promenade qui souhaite faire valoir ses atouts aux résidents comme aux touristes de passage et qui durant deux ans a fait l’objet d’une étude conséquente de fonctionnement afin d’en proposer une vision précise pour les 25 années à venir.

Aquarelliste à ses heures et amoureuse de botanique à la ville comme à la campagne, c’est à Céline Desmoulière, paysagiste DPLG, qu’a été dévolue cette étude exhaustive des besoins du parc.

« Ce plan de gestion fait suite à la loi Labbé, qui depuis le 1er janvier 2017, interdit aux collectivités territoriales, aux établissements publics et à l’État d’utiliser ou faire utiliser des pesticides. » Une contrainte qui a conduit le château à une réorganisation complète du travail des jardiniers, menée par Benoît Laborde, jardinier en chef du parc, arrivé en 1994. « À Pau, la particularité de ce parc historique, c’est d’abord qu’il est divisé en trois espaces très différents − précise Céline − un premier niveau très orthonormé avec ses massifs au cordeau, puis la Basse-Plante, avec ses arbres taillés en rideau et enfin l’espace un peu plus sauvage que les gens ont tendance à envisager comme un jardin municipal alors qu’il fait partie intégrante du Domaine du château. » C’est dans cette partie boisée et escarpée du parc, bien connue des joggers, que se trouve la plus grande diversité d’espèces du Domaine et que se trouvait au 16e siècle une multitude de petits évènements ponctuant la promenade comme le rappelle avec plaisir l’intéressée. « Il existait une cabane dans un arbre, des ruisseaux, une grange abritant des vaches, le fameux Castet-Béziat, une construction dans laquelle Jeanne d’Albret se réfugiait
pour éduquer ses enfants. »

Un espace méconnu des touristes, mais qui pourtant, s’inscrit comme un véritable poumon vert pour le centre-ville et auquel la paysagiste souhaite redonner ses lettres de noblesse. « Aujourd’hui ce que nous envisageons, c’est une revalorisation du vivant dans son entier et plus seulement du végétal. Il s’agit de préserver et de favoriser la présence des nombreuses espèces animales qui y ont élu domicile (oiseaux, amphibiens, comme l’alyte accoucheur qui est protégé, chauves-souris, reptiles, mammifères et insectes) tout en valorisant l’histoire singulière du parc auprès d’un public curieux ». Femme passionnée et passionnante, elle confie : « Je travaille un peu à l’image de l’archéologue, en me documentant historiquement sur les lieux avant d’envisager un aménagement. Je ne travaille jamais à partir de rien. Pour exemple, nous avons retrouvé dans des documents du 16e siècle, des traces d’une zone humide dans la partie nord du parc. Depuis de nombreuses années on sait la zone marécageuse. Le plan de gestion a proposé de reconvertir cet espace, très peu fréquenté par le public, en zone humide, pour diversifier les ambiances du parc et les espèces faunistiques et floristiques. C’est une proposition d’aménagement qui verra le jour dans les années à venir ».

« Je travaille un peu à l’image de l’archéologue, en me documentant historiquement sur les lieux avant d’envisager un aménagement. Je ne travaille jamais à partir de rien. »

Des aménagements qui nécessitent une main-d’oeuvre qualifiée voire spécialisée et sur laquelle a pu compter la paysagiste en la personne de Benoît Laborde, jardinier en chef du parc depuis 1994, en charge d’une équipe de 12 jardiniers et 2 apprentis.

Benoît, passionné d’horticulture depuis toujours, se forme à Tarbes et obtient, à l’âge de 17 ans, un poste très loin de son Sud-Ouest natal, au jardin des Tuileries. Un moment qui reste gravé dans sa mémoire. « Imaginez, vous vous retrouvez à 17 ans dans un jardin mythique, comme celui des Tuileries. J’y suis resté 6 ans, et je l’ai quitté pour les mêmes raisons qui m’y ont fait venir, sa popularité. Je me suis vite rendu compte qu’il était vraiment difficile de travailler dans de tels lieux. La fréquentation y est si abondante que les espaces sont dégradés quotidiennement, c’est assez frustrant pour celui qui a le souci du travail bien fait. » Le jeune jardinier s’échappe donc du centre de Paris pour s’occuper quelque temps des 450 ha du parc de Saint-Cloud, puis, concours en poche, quitte définitivement la capitale, et rentre au pays, sa ville de Pau. « Il y avait tout à faire, la partie autour du château était très bien entretenue mais pour le parc, c’était quasi à l’abandon avec des arbres dangereux. Ça a été un énorme chantier avec beaucoup d’abattages en vue de renouveler la surface boisée. Désormais nous travaillons principalement à la sélection et l’entretien des arbres pour le siècle à venir. » Fort de son équipe de 12 jardiniers, ce passionné à la nature fédératrice déplore toutefois le manque de recrutement dans son secteur. « Les jardiniers d’art ne sont, hélas, plus très nombreux. Nous étions 385 sur le territoire français quand j’ai commencé ma carrière et seulement 130 aujourd’hui pour 2 500 ha de patrimoine arboré » relève-t-il. « Malgré tout, ces deux années de collaboration avec Céline et son équipe, ont permis d’optimiser notre activité, de trouver des solutions nouvelles, à l’image des brebis utilisées sur la Basse-Plante, qui nous économisent des tontes toutes les deux semaines. Cela nous donne de nombreuses perspectives pour les 25 années à venir. »

« Aujourd’hui le parc est inscrit en zone Natura 2000 et nous devrions obtenir très prochainement notre appellation Jardin Remarquable ce qui nous conforte dans nos choix du zéro phytos et autres tailles manuelles respectueuses des végétaux. »

Un effectif dont se soucie, lui aussi, Étienne Lassailly, président des Amis du Château, qui souhaite encourager les jeunes chercheurs à adhérer à son association.

Homme élégant et épicurien s’il en est, qui après une formation littéraire devant le conduire à l’enseignement le mènera finalement, hasard du destin, à des postes à responsabilité dans l’industrie pétrolière en Norvège, ou encore en Afrique. Désormais retraité, ce passionné d’histoire consacre son temps libre à l’acquisition, via l’association, d’oeuvres d’art pour le compte du conservateur du château, ainsi qu’à l’organisation de conférences destinées à ses membres. Une action de mécénat non négligeable, comme le rappelle l’intéressé. « L’association existe depuis 1951 et fêtera ses 70 ans cette année. Nous aidons modestement cette institution nationale mais, lors des expositions qui y sont organisées, nous sommes fiers de constater que nos dons y ont largement leur place. Parallèlement à ce travail d’acquisition, nous avons aussi toujours à coeur d’apprendre et cela passe, très souvent, par le biais de guides et de conférenciers que nous accueillons avec grand bonheur ».

« C’est une vraie volonté des membres de l’association d’ouvrir leurs portes aux jeunes étudiants en proposant une gratuité d’inscription pour les moins de 26 ans. »

Un intérêt culturel qui a permis à Sarah Laguilhermie, étudiante à l’UPPA en Master valorisation du patrimoine, d’entrer de plain-pied, chez les Amis du Château pour lesquels elle prévoit la rédaction d’un article qui sera publié dans la revue annuelle. Une ouverture dont se fait l’écho, Marion Spataro, en charge de la communication : « C’est une vraie volonté des membres de l’association d’ouvrir leurs portes aux jeunes étudiants en proposant une gratuité d’inscription pour les moins de 26 ans. Un effort d’ouverture gagnant-gagnant qui permet aux étudiants de parler de leurs travaux respectifs et aux adhérents de profiter de leurs connaissances ». Interrogé sur un aménagement futur, même utopique dans le parc, le président réfléchit, se redresse, l’oeil un brin malicieux : « Il faudrait quelque chose de spectaculaire, une cascade par exemple, ce serait magnifique, ou bien nous sillonnerions le parc en quête de gibier chevauchant nos montures aux côtés du roi Henri. Ce serait quelque chose quand même ! ».

À l’image du platane remarquable, planté en 1821, qui a vu défiler plusieurs générations et fêtait son bicentenaire cette année, le parc du château de Pau est lui aussi un espace à l’épreuve du temps. Hier sauvage, par endroits rectiligne et orthonormé, il devient désormais raisonné et accueillant, pour ses usagers mais aussi ses résidents.

Musée national et domaine du château de Pau
chateau-pau.fr
05 59 82 38 00
rue du Château 64000 Pau

Réservation de la visite commentée du château
www.weezevent.com/visite-commentee-du-chateau-de-pau

La Société des Amis
du Château de Pau

lesamisduchateaudepau.fr
05 59 82 38 10
06 44 08 76 37
Permanence sur RDV
le mardi de 15h à 17h
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Texte : Benjamin Roullier
Photographe : Patrice Martins de Barros