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David Ferreira, artisan de la peinture

Autodidacte artistique, le boulimique David Ferreira poursuit ses rêveries esthétiques entre incursions géométriques et naïveté colorée. Rencontre.

Il est cool Ferreira. La barbe bien taillée, le regard pétillant derrière des petites lunettes aux branches marquées d’une note de couleur derrière l’oreille, la veste de jean qui tombe bien sur un pantalon de toile moutarde, il me reçoit dans la partie atelier de sa maison de Sauvagnon : « Un café ? ».

Fils de charpentier portugais d’origine brésilienne sculpteur à ses heures et de mère portugaise potière catapultés dans le village béarnais de Cambios-Loos, David pousse son premier cri un 15 octobre 1982 à très exactement 5h15. Pas un hasard si le chiffre 15 est présent dans toutes ses toiles. Il suit sa scolarité dans la petite école du village et passe son temps à dessiner. « Mon instit avait déjà flairé en moi mon âme de peintre. Il avait dit à mes parents « ce gosse, il faut l’envoyer aux Beaux-Arts ». Mais quant on est enfant de la campagne et fils de manuels, être peintre ce n’est pas sérieux : « Je ne pensais pas qu’on pouvait vivre de sa peinture ». Alors il se résigne à un BEP construction topographie puis passe un Bac génie civil. Le jeune a du talent et du bagout aussi : « J’ai commencé dans un petit cabinet de géomètres-experts et je suis devenu géomètre dans une grosse boîte de travaux publics à Pau. » Mais le dessin ne l’a jamais quitté : « Je griffonnais sur des coins d’agenda, j’inventais des personnages de BD… ». Mode du tuning aidant, il peint aux Posca les intérieurs de voitures de ses copains. « Plutôt tribal au début, je me suis orienté vers des formes plus géométriques ». Rien d’étonnant pour un concepteur habilité à étudier les figures du plan et de l’espace.

Pour ses 20 ans, ses amis lui font la surprise de lui offrir « la totale ». Un kit de peinture « super chouette ». Il commence à peindre pour eux, pour lui, pour les amis des amis. Un jour, il passe dans la rue Louis Barthou et ose pousser la porte de l’architecte d’intérieur Vincent Pavelic. Il lui montre une de ses premières toiles : un grand format dans des tons noir et gris.  Le décorateur met le tableau en vitrine : « Il l’a vendu en deux jours ! ». Fort de cette toute nouvelle expérience, il fait son premier vernissage chez Cozyn, puis enchaîne les petites expos jusqu’à la côte basque. Son univers coloré plaît. Les mélodies sont pures, presque naïves, les tons primaires flashent, parfois dissonent. Ferreira raconte ses histoires avec humour. Un humour qui cache certaines blessures d’enfance dont l’artiste n’a guère envie d’étaler. Il veut passer à autre chose. Son passé n’appartient qu’à lui. Sans doute pour ça qu’il tire des traits de couleur sur sa douleur. « J’ai eu beaucoup de chance, j’ai rencontré des gens fabuleux ». Comme le célèbre peintre figuratif Paul Ambille, mort en 2010, qui, lors d’un concours de peinture à Arette lui lance « C’est sympa ce que tu fais ! ». Anecdote : David avait peint pour l’occasion l’église du village « un gros rectangle avec les aiguilles de l’horloge bloquées sur 11h15 ». L’artiste lui demande, ébaubi, s’il a eu vent du tremblement de terre de 1967. «   Ce séisme avait fendu en deux l’horloge de l’église et les aiguilles étaient restées bloquées sur… 11h15 ! Paul m’a dit « C’est un signe, tu vas devenir célèbre ! ».

C'est un signe,
tu vas devenir célèbre !

Ambille était peut-être devin. Ferreira enchaîne les expos et ses œuvres plaisent : Biarritz, Paris, Lisbonne… A 25 ans, il quitte définitivement son segment pour se consacrer exclusivement à sa passion. Sa future femme, Esmer, une chaldéenne qu’il a connu dans le petit bar de son village natal, l’a beaucoup aidé. « On est partis tous les deux à l’aventure dans notre camion chargé à bloc. » Les salons d’art se succèdent : Bordeaux, Toulouse, Paris, et les galeries « où tu te prends quarante vents ! J’ai compris depuis qu’il ne faut pas aller chercher les galeristes, c’est eux qui viennent à toi ». Mais le gros carton arrivera lors du salon d’art contemporain de la Bastille à Paris : « C’est la jungle de l’art mais c’est super formateur ». Ils débarquent avec beaucoup de tableaux, une mise en scène « un peu en live » dans le petit stand loué. « Deux jours de stress à zéro et le troisième, surprise les gens attendaient leur tour pour entrer ! ». Parmi eux, le grand chef cuisinier du Carré des Feuillants Alain Dutournier. « Il m’a acheté trois toiles et les a exposées dans son resto. Une consécration ».

Toujours dans une boulimie créative, et las de rouler les mécaniques sur les routes de France, il décide avec sa moitié de se poser à Pau. Ensemble ils ouvrent une boutique-galerie où se côtoient de vraies fleurs en bouquets, les créations de bijoux d’Esmer, les meubles en carton de Sophie Darnal, les sculptures de Vincent Libecq et… l’atelier de David. « C’était super sympa, mais la sauce n’a pas pris. Il ne faut pas être trop avant-gardistes ici ! ». C’est là que la galerie parisienne Colorfield le prend sous son aile. « On s’est rencontrés sur un petit salon à Saint-Germain-des-Prés. Le feeling est tout de suite passé. C’est elle qui gère aujourd’hui ma carrière. » Une carrière en relief comme ces œuvres qui jouent avec le mouvement et le modelage : « Je déteste le plat ». David aime à dire qu’il peint  « comme un garçon de 5 ans ». Il ne réfléchit pas « il faut que ce soit direct » et utilise l’huile, l’acrylique, la bombe, le Posca, le vernis « mon côté bling bling ». Il a eu la chance de trouver son style assez rapidement « lié à mon ancien métier sans doute ». Il peint avec un couteau, une truelle, les mains… Il a même créé des ustensiles adaptés à son œuvre picturale. Il avoue être « content de ne pas avoir fait les Beaux-Arts » pour être plus « dans le brut et moins dans le concept artistique ». Pourtant chaque toile est le chapitre d’une histoire, de son histoire. Il peint avec ferveur les tribulations de sa vie ; de celle passée dans les compas à celle d’aujourd’hui plus « rangée »  – marié, un petit enfant, une maison -, plus figurative donc. Aussi il écrit avec des couleurs débordantes ses souvenirs. Si Ferreira était poète, sûr qu’il s’appellerait Prévert. Un autre café ?

Ferreira
en quelques dates

15/10/1982 Naissance à Cambios-Loos. Juillet 1999 Bac Genie civil. 2005 Vente de sa 1ère toile. 12 avril 2008 1ère expo chez Cozyn, Pau. 11 octobre 2009 1er prix de peinture, Brouillarta, Biarritz. Novembre 2009 Exposition Galerie Revol, Oloron. Octobre 2010Gmac, Paris. Décembre 2010 Galerie des Corsaires, Bayonne. Décembre 2010-Mars 2011 Galerie d’art Tokade, Toulouse. Avril-Mai 2012 Gmac Bastille, Paris. Mai 2012 Sm’Art, Aix-en-Provence. 2015 Art Homme Lille, Art Home Paris, Sm’Art Aix-en-Provence, Gmac Paris , Foire de Paris, Galerie The Art Shop Amsterdam, aaf Torronto, SIAC Marseille…

Prix moyen d’un tableau 100×100 : 2000 euros.

Prochaines expos
Galerie éphémère du 15 novembre 2015 au 15 janvier 2016, Galerie Joffre, Pau
Le ST.ART à Strasbourg, Foire européenne d’art contemporain du 27 au 30 novembre 2015
Art Up à Lille, première foire d’art contemporain, du 25 au 28 février 2016
Et en permanence à la galerie Colorfield, 10, place des Vosges 75004 Paris (09 81 13 84 97)
Et bientôt une bio…

BLOSSOM #01 
Visite privée
David Ferreira, artisan de la peinture

Rédaction : Catherine Nerson

DAVID FERREIRA
place clemenceau 64000 PAU
http://www.davidferreira.fr/