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La Couronne. Les gourmands disent.

Je suis l’odeur du chocolat. Inlassablement, je voyage dans l’ancienne bâtisse couronnée depuis 1953. Mon ballet olfactif virevolte depuis l’atelier de Laurent Chagneau. Son remarquable savoir-faire artisanal mène d’une main de chef, le chef-d’oeuvre de sa gourmandise. Aux murmures du petit matin, l’institution paloise chocolatée La Couronne fait de moi sa muse et s’amuse.

Les dames d'abord

Leurs yeux parlent avec joie, leurs mots résonnent à l’appel du palais, à toute heure. « Un chocolat après l’autre », balance Nathalie. Entre deux fous rires et trois chocolats voire cinq ou six, les filles sont à la vente au rez-de-chaussée. Nathalie et Marie sont de la Maison depuis plus de 10 ans pour l’une, 15 pour l’autre. Avec elles, Madame Chagneau. Corine de son prénom. Toutes les trois, c’est une complicité au goût sucré qui s’est installée là depuis des années, à préparer des Noël, des fêtes de Pâques, à empaqueter, goûter, créer, imaginer les vitrines de l’année. Elles sont créatives les filles. Elles ont ce petit quelque chose qui fait la différence, ce doit être les chocolats qui inspirent. Mais pas que. Corine se souvient. « Je me suis formée à la création il y a 20 ans et c’est une rencontre qui a été une révélation, celle d’Aline Chauvet. Elle m’a donné le déclic. » C’est au premier étage que son évidence instinctive s’exprime, dans le petit atelier créatif jouxtant celui du chef Laurent. Et fourmillent les idées chamarrées, enivrées par la bonne odeur du chocolat fondu qui s’échappe de la petite porte de l’atelier par laquelle nous rentrerons ensuite. Un peu de patience. « Ici, c’est notre espace de création. Avec les filles, on partage nos idées. Je ne m’arrête pas aux tendances actuelles, parfois je suis en amont, parfois j’arrive après » raconte Corine. Le contre-courant, c’est certainement lui qui bouscule. « Une vitrine qui bouge fait bouger la clientèle. » C’est ainsi qu’on a pu voir dressé dans la vitrine un majestueux train de la mine tout en chocolat. Thème far west, BD, Astérix et Obélix… les idées fusent, le chocolat fait fondre. Corine a travaillé dans les assurances et a quitté Paris avec Laurent pour reprendre la Chocolaterie en 1998. Une opportunité pour eux, une chance pour nous. « On a repris cette institution qui était menée de mains de maîtres par Georgette et Guy Lezé. »

Entrée des artistes.

« Ils viennent encore nous voir régulièrement, ils nous ont pris comme leurs enfants. » Laurent a sorti son visage délicat par la porte. L’homme doux est coiffé de sa toque blanche, comme un nuage érigé au-dessus de sa tête. Le nuage du savoir gorgé de la pluie savoureuse qui perle jusque sur ses mains d’artisan émérite. Jusqu’au bout des doigts, il est chocolat. « C’est ma vie depuis 22 ans maintenant. Nous avons ici des recettes fabriquées depuis 1953, des spécialités comme La Créole et sa ganache à la fine champagne, le bonbon que mangeait le Général de Gaulle chaque soir avant de se coucher. Puis le Suédois (ganache aux raisins secs macérés au cointreau), La Cerise (cerise confite macérée à l’Armagnac, pâtes d’amandes, chocolat au lait), et la Perle d’Or (praliné à l’ancienne, chocolat blanc). Des chocolats puissants, c’est ce que je préfère. La puissance est à l’extérieur et à l’intérieur, j’assume ce goût de caractère. » La douceur de Laurent tranche avec la force de ses créations. À ces bonbons emblématiques s’ajoutent de nombreuses recettes emplies de douceurs. Pralinés, chocolat blanc, noisettes, amandes… et les fameux nounours ourlés dans nos souvenirs d’enfance. Juste parfaits. Ici, on fait bras dessus bras dessous avec la finesse et la justesse des saveurs.

« La cristallisation du chocolat, c’est très important. Il faut le passer dans une courbe de température précise pour obtenir un résultat parfait. Cette courbe varie en fonction de la nature du chocolat, noir, lait ou blanc. » Et tourne autour de lui dans les cuves Inox des enrobeuses, le chocolat très chaud ou tiède.

Ely et Alexandre s’activent aussi tout près de nous. Les deux jeunes apprentis sont les mains gourmandes qui avec Laurent oeuvrent pour remplir les ballotins qui iront s’aligner parfaitement derrière les vitres au rez-de-chaussée. Aucun des trois ne se lassent du chocolat et en cherchant le plus gourmand, tous les yeux se dirigent sans un mot vers le grand Alexandre. « À Noël, moi c’est les Perles d’or. Je les goûte de temps en temps, rit-il. Parfois jusqu’à en avoir mal au ventre. » Les gourmands sachant goûter ont une passion inébranlable. Et elle est communicative.

Cet après-midi, le Palet des Pyrénées est à l’enrobage. Une ganache caramel au sel de Salies-de-Béarn sur un croquant de feuilletine, c’est une création de Laurent en clin d’oeil au Palais des Pyrénées de Pau. « J’ai voulu utiliser un produit de chez nous, le sel de Salies, qui apporte du peps à la dégustation. J’aime me réinventer, innover. J’avais aussi réalisé une recette avec une ganache infusée au cèpes. » Plus loin, les noisettes caramélisent pour préparer le praliné à l’ancienne, les oursons blancs vont s’habiller de chocolat au lait… Il n’y a pas de doute, l’expertise des hommes toqués saute aux yeux, leur jargon étonne. On enrobe, on cristallise, on chablonne, on coule, on cadre… et on extrude aussi. L’extrudeuse permet de donner des formes significatives à chaque chocolat pour leur donner une identité, une âme.

La boîte de chocolats.

Les filles sont à l’étage, Laurent les rejoint. Marie lance un « Chef, vous avez changé la recette des oursons ? » Il la regarde fièrement en rétorquant. « J’ai modifié de 5 gr la gélatine… » Elles voient tout et surtout goûtent tout. L’ambiance est chaleureuse, la complicité silencieuse, la complémentarité flatteuse. Leur équipe, c’est comme une bonne boîte de chocolats. Les couleurs de leurs personnalités forment le parfait ballotin de la gourmandise. C’est ce que les gourmands disent…

Chocolaterie de la Couronne
www.chocolat-pau.com
(Boutique en ligne !)

05 59 82 83 77
20 Palais des Pyrénées
64000 Pau

Du lundi au samedi 9h – 12h30 / 14h – 19h
Ouvert en continu en décembre de 9h-19h

Texte : Marlène Gassie
Photographe : Jean-Michel Ducasse