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Et au milieu renaît le Hédas

Pau a son « Greenwich » village. En contrebas du château, récemment rénové et accessible par sept chemins différents.  Un village souvent boudé par les Palois « d’en haut » qui ne font pas l’effort d’aller « en bas ». Et pourtant. Petit quartier historique, le Hédas a toujours été à part. Blossom est allé à la rencontre de cinq lieux emblématiques tenus par des personnages remarquables qui n’auraient pas pu être ailleurs qu’ici. Portraits.

« Nous voulons
réveiller le Hédas »

La boîte de nuit la plus explosive du Béarn existe depuis 20 ans. Plus qu’un club, le Durango a toujours été un émulateur artistico-social, illuminé, depuis
sa création, par un duo pas ordinaire : Yves et Rose.
Rose… un petit bout d’énergie à l’état brut, toujours derrière le bar, reconnaissable à ses boucles blondes à la Barbra Streisand version 80’s. À ses côtés, son fils Romain, cheveux longs, look cool, hyper motivé, a repris le flambeau. « Je veux garder l’âme du lieu tout en ajoutant ma patte personnelle, et continuer à marquer le monde de la fête et de la nuit. » Précurseur, le Durango l’a toujours été : « Le rock a fait notre succès en 89, se souvient Rose. Éric Delamare (ancien patron du Show Case, ndrl) nous a proposé de mixer du rock et c’est parti en flèche ! ».

Aujourd’hui Romain conserve cette lignée « parce que les Stones, les Clash seront toujours des classiques du Dudu » tout en amenant ses notes de fraîcheur parfumées de hip-hop, funk, pop, électro « qu’on n’entend pas sur les radios commerciales ! » Et lorsqu’il n’est pas aux platines, il fait venir ses potes DJ’s pour des sets inspirés, organise des événements avec son association L’Observatoire, monte des « opé » culturelles estampillées Coup d’un Soir pour promouvoir le Hédas.

« Il faut montrer aux Palois qu’ils peuvent descendre et découvrir une ambiance familiale ! »

Car le Durango c’est aussi un bon état d’esprit où se succèdent plusieurs générations de fêtards, où se connectent aristos et anars, homos et hétéros, visages pâles et bronzés, stars parfois et anonymes flamboyants de tout âge, sous l’oeil attentionné de videurs bienveillants. Une sorte de guinguette moderne, chaleureuse et intimiste.

« Tout m’embête mais je fais tout ! »

Quinze ans (depuis le 14 septembre dernier) qu’on le supporte le Grec. Celui que tout le monde appelle Dimitri, en ajoutant une particule « de L’Imparfait » au cas où vous ne connaîtriez pas l’endroit… L’Imparfait c’est le bar du Hédas. Le bar où une faune de toute gueule et de toute origine refait (souvent) le monde. Celui qu’on investit à l’heure où le soleil tombe pour « un apéro cool politico-associatif », avec lequel on continue pour un concert « pas forcément convaincant », une soirée slam « plus ou moins ratée », un set de DJ’s de l’Observatoire « électro parce qu’il faut élargir la clientèle ». Dimitri alias Dimitrios Theodorakapoulos – c’est son vrai nom, rien à voir avec Tintin et le mystère de la toison d’Or – est comme ça. Une sorte de Jean-Pierre Bacri du Hédas avec le roulement de « r » en prime. Un « jamais content » qu’il aime cultiver. On adhère ou pas.

Arrivé à Paris il y a 38 ans, les beaux yeux d’une béarnaise l’amèneront à Pau où « une seule âme charitable, un négociant en vins » lui filera du boulot. Il montera par la suite deux restaurants grecs puis le Bar l’Imparfait : « Je voulais être ici, dans ce quartier parce que techniquement ça reste un village ; tu n’y vas pas naturellement, il faut faire la démarche de descendre, ce qui n’autorise pas l’accès à tout le monde ! ». Observateur à l’humour froid, il avoue « être assez spécial ». Sans doute parce que dès sa naissance il a eu « tous les liens de la société à portée de main ». « Mon père était instituteur, mon oncle pope et ma mère, mère !
Et moi j’étais au milieu ! » Peut-être pas un hasard si aujourd’hui Dimitri est au centre de son comptoir demi-oval où il a l’oeil sur tous (et tout).

"Ma cuisine, c’est voyager ! "

Pour se rendre dans le délicieux restaurant Gusto, deux options : passer par la rue du Hédas ou prendre les escaliers bucoliques du Passage Darracq, par la rue des Cordeliers. Dans cette sorte de traboule, un petit patio invite à la détente. À l’intérieur une jolie salle, avec murs en galets du Gave et mobilier à dominante rouge, laisse entendre qu’ici la passion réside aussi dans l’assiette. Bien que le nom de l’enseigne invite à déguster des mets italiens d’excellente facture, Anita Schwartz, chef de cuisine, secondée par son mari Alain, précise : « Nous avons passé sept ans au Canada. C’est là-bas que j’ai appris à cuisiner la pasta avec la mama mais surtout à découvrir une gastronomie issue d’influences du monde entier. » Voilà 17 ans qu’Anita régale une clientèle de gourmets, curieuse de sensations : « J’adore travailler le poisson frais (en direct de la Criée de Saint-Jean) : on peut s’évader avec ce produit ! Mais aussi les épices, les saveurs, les légumes d’antan, jouer sur le salé/sucré. »

Lorsque le plat arrive sur la table, les papilles sont en émoi : touchant bouillon asiatique et ses ravioles ouvertes aux saveurs d’Asie, divins risottos qu’elle agrémente selon l’humeur – butternut avec compotée de légumes anciens, huile de truffe blanche ou à l’encre noire, agrémenté de gambas ; tagliatelles sauce toscane, aiguillettes de canard, champignons, lardons ; pour finir sur la merveille de tiramisu d’Anita. Dans les verres, vins italiens et français choisis avec Sébastien dont quelques pépites comme ce Ca’ Bianca Barbera d’Asti ou ce Pinot Grigio Santi. « Sans oublier le Gewurztraminer, précise Alain, pour la petite touche alsacienne ! ». Bref, que du (bon) goût !

« On veut développer
la cuisine et la vie du quartier ! »

Nouveau challenge et nouvelle équipe pour la jeune chef Émilie, à la tête du restaurant Chez Canaille. Après quelques déboires, la voici regonflée à bloc. À ses côtés, deux anciens des Papilles Insolites : Bruno au service et Fanny formée à la casserole de Julien Guilbert. La brunette a donc rejoint la blonde, pour une cuisine à quatre mains des plus convaincantes. « Nous sommes très complémentaires, souligne Fanny. Je suis plutôt “popote de mémé”. Émilie est plus moderne. Mais on se rejoint sur l’amour de notre terroir, le choix des produits frais et de saison et le fait qu’il faut redonner une dynamique au quartier. » Reconnu récemment « restaurant de qualité » par le Collège Culinaire de France 2018, Chez Canaille aligne des plats de tradition en y ajoutant une touche actuelle sans changer les codes gastronomiques de sa bistronomie.

Au programme des réjouissances : le foie gras mi-cuit fait maison est une valeur sûre. L’originalité réside souvent dans les entrées comme cet oeuf parfait, boulgour, noisettes, mousse oignon grillé. Les plats ont du caractère : filet de truite rôti, potimarron, courgettes ; canard, nouilles sautées à l’asiatique… et le mi-cuit au chocolat toujours aussi désirable. Et parce que « rénover le quartier c’est bien, mais il faut qu’il y ait plus d’animations », la team propose un dimanche par mois, sur réservation, le brunch K’naille à 22 euros. Un petit-déjeuner/buffet sucré/salé (oeuf brouillé, bacon, pancakes + plat chaud et dessert, boisson chaude à volonté, jus d’orange pressé) servi à 11h30 et 13h30.  « Sans oublier que bientôt, il y aura un cours de cuisine le samedi midi », précise Émilie. De quoi s’encanailler.

"Au travers de notre cuisine simple et goûteuse, nous voulons que nos clients se rappellent des souvenirs d’enfance."

Le restaurant/salon de thé Au coude à coude est à l’image du quartier : populaire et chaleureux. À la tête de cet établissement, trois personnages hauts en couleur : Claude au piano, sa fille Anne-Lise pour la partie sucrée et son compagnon David en salle. À eux trois, ils mènent tambour battant un concept de restauration des plus sympathiques qui ferait pâlir Proust et sa madeleine. Un pari plutôt réussi lorsqu’arrivent les assiettes mises en mots par David, intarissable sur l’origine des produits et la façon dont ils sont préparés.

La formule « à la bonne franquette » réunit pas moins de 5 à 7 entrées (salade de lentilles, hareng mariné, soupe de légumes, omelette…), un plat unique (ce jour-là, divine parmigiana d’aubergines) et une ribambelle de desserts concoctés par Anne- Lise, chocolatière-pâtissière, élevée aux valeurs sûres de la Maison Henriet. « Le repas doit être un moment fort, souligne Claude. Aussi nous voulons faire plaisir en nous adaptant au mieux aux souhaits de chacun ; plus de légumes pour l’un, plus de viande pour l’autre, sans gluten ou sans lactose. Et pour ceux qui veulent, nous avons même des préparations maison sous vide (parmentiers, langue de boeuf, tajine à composer…) à emporter ou à consommer sur place à n’importe quelle heure de la journée, ici on sert et on ressert selon l’appétit… ». Un « melting popote » qui va de pair avec l’esprit du Hédas.

BLOSSOM #07 
Visite privée
Et au milieu renaît le Hédas

Rédaction : Catherine NERSON
Photographe : Jean-Michel DUCASSE

LE HEDAS
Rue du Hédas 64000 PAU