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Bayonne, épique à travers les époques

C’est une ville à la signature singulière, au charme évident. Une cité dans laquelle la Grande Histoire a toujours été marquée par de plus petites… Anecdotes secrètes ou cocasses qui ont marqué le passé de la cité basque. Au fil des pavés bayonnais, se déroulent bon nombre d’époques. Et la ville offre à ceux qui veulent bien aiguiser leurs yeux quelques belles surprises à chaque coin de rue. Derrière chaque porte. Dans les ruelles étroites du Petit Bayonne, ou dans les artères plus dégagées du centre-ville, l’art roman s’acoquine avec l’architecture du Moyen Âge, Vauban flirte avec le Gothique.

Belle à toutes les époques, Bayonne se mérite, plus qu’elle ne se visite. Et ce n’est pas Andy, guide néo-zélandais au cœur aujourd’hui profondément bayonnais qui nous contredira. En avant pour une visite pleine de surprises et de piment… Une visite avec l’accent !

Sur le parvis de la Cathédrale Sainte-Marie, il sourit. En levant le bras à notre intention. Andy Fisher, le plus néo-zélandais des Bayonnais sera notre guide pour une visite très privée d’un Bayonne méconnu, un Bayonne hors des sentiers battus. Et dès l’extérieur, le ton est déjà donné : « regardez cet anneau sur la porte d’entrée. On l’appelait l’anneau de l’asile. En le touchant simplement ; comme dans un jeu pour enfant, on était protégé »… Nous voilà d’un coup plongés dans l’histoire insolite de Bayonne. Et ce n’est que le début… Andy nous demande de lever un peu les yeux : « Nous sommes dans une ville gasconne depuis le Moyen Âge… mais au début du 20siècle, les basques ont laissé leur empreinte dans la pierre ». C’est en effet un joueur de chistera qui se tient là sous nos yeux, gravé sous le porche de la Cathédrale. À l’intérieur, la visite se poursuit, auréolée de cocasseries. « En 2009, lors de la tempête Klaus, un clocheton de l’une des flèches est tombé sur la voûte intérieure. Quelques mois plus tard, lors de l’inauguration de la restauration de la clé de voûte, les édiles et un Architecte en Chef des Monuments Historiques sont par hasard tombés sur ça… » Andy sort sa torche et pointe de son faisceau lumineux deux empreintes de mains. « Si vous regardez bien, elles sont inversées. Aujourd’hui nous pensons qu’il s’agit de la signature du maçon. Nous les appelons “les mains mystérieuses”. Elles sont là depuis le Moyen Âge et on ne peut pas vraiment être certains de leur origine. »

L'histoire même dans les magazins

Dans les rues de Bayonne, Andy nous propose un shopping. Nous sourions. Il nous assure que nous allons être surpris. Alors, on le suit. Direction Peytavin Sports de la rue Argenterie. Andy nous mène directement à l’étage. « Bienvenue dans le 15siècle » nous glisse-t-il dans un sourire et entre deux raquettes. « C’est un portail gothique du Moyen Âge » poursuit Andy. Entre deux rayons, nous contemplons ce bout d’histoire… incongru mais tellement présent. À quelques rues de là, Andy nous entraîne au sous-sol de l’Épicerie fine chez Ramuntcho. Nous découvrons avec stupeur une cave voûtée. « Actuellement on dénombre 138 caves du 13et 14siècles dans la partie haute de Bayonne. Dans les rues du Pilori et de l’Argenterie, tous les commerces possèdent des caves comme celles-ci ». Dans la rue de la Salie, Andy pousse la porte d’un restaurant salon de thé Le Belzunce. Tout en saluant le patron et l’assistance il se glisse entre les tables jusqu’à un patio aussi éblouissant qu’inattendu : « Ici nous sommes dans la cour d’un hôtel particulier qui date de 1640. C’est un style Louis XIII, typiquement français, entre mélange de briques et de pierres. C’est un lieu unique dans toute la ville ».

Des maisons
comme nulle part ailleurs

Du côté de la Rue Port de Castets, Andy jubile… Et il faut dire qu’il y a de quoi. Devant nous se dresse, coincée entre deux autres constructions à colombages, la plus étroite des maisons bayonnaises. « C’est à se demander si les gens dorment debout » plaisante Andy, avant de préciser, un brin plus sérieux. « En fait ce sont ici les dos des appartements, qui s’ouvrent en éventail sur la rue juste derrière. Les murs partent donc en biais par rapport à la façade ». Et Andy de poursuivre : « ceci témoigne parfaitement du grand entassement de la ville, avec ses façades étroites et très hautes, comme on peut aussi en voir sur les quais de la Nive ».

Les trésors des cages d'escaliers

Dans la rue du Port Neuf, le spectacle se cache souvent derrière une porte colorée. Un peu en retrait de la boutique du Chocolatier Cazenave, la cage d’escalier la plus ancienne de Bayonne nous happe d’entrée. Étourdissante d’emblée. « C’est le style rampe sur rampe. Elle date du 17siècle. » Les balustrades en bois tourné donneraient presque une impression de tournis. Au dernier étage, c’est un auvent du 18qui vient clore l’oeuvre impressionnante. Au n° 32, changement de décor… Et la mine d’Andy s’illumine « ici on est dans une cage d’escalier du 19dite hélicoïdale ». La spirale est enivrante. « On peut voir la spécificité de l’architecture bayonnaise et l’existence des appartements sous deux clés ».

De Vauban à la pelote

C’est vers le Campus que nous attend une bien belle surprise. Devant la bibliothèque universitaire, Andy affiche une mine réjouie : « on est face à un ouvrage transformé en construction résolument moderne qui respecte la silhouette d’un ouvrage de Vauban : un cavalier en talus de terre. Ici on a tout dégagé pour construire cette bibliothèque. D’un côté, quatre-vingt panneaux en résille de béton ont été créés pour laisser entrer la lumière du jour et de l’autre côté, sous la pente à 45 degrés du talus en terre, les 30 000 ouvrages sont à l’abri ».

Non loin de là, dans le petit Bayonne, Andy nous offre une halte sportive… Sur les gradins du sublime trinquet Saint-André, notre guide lève les yeux au ciel et avec lui nous découvrons la beauté de l’ouvrage : « c’est l’un des trinquets les plus ancien du monde. Il date du 17siècle. On y jouait au jeu de paume à l’époque et on y donnait même des spectacles ». Sous ces colombages chargés d’histoires, on se plaît à imaginer les parties d’antan. « Aujourd’hui – il y a à Bayonne – un autre trinquet, le Trinquet Moderne, qui comme son nom l’indique répond un peu plus aux pratiques actuelles. Les parois sont en verre, ce qui facilite les retransmissions télévisées. »

Avant de nous quitter, nous passons par un hasard tout bayonnais, devant la Tour de Sault, qui trône toujours devant la Nive. Séduits par cet édifice millénaire mais aussi et surtout par les effluves qui s’en dégagent, toujours accompagnés par la fougue d’Andy, nous poussons la porte. À l’intérieur, nous découvrons d’irréductibles gourmands en pleine fabrication de confits et autres terrines. « Bienvenue à la Confrérie du Jambon de Bayonne » s’écrit Andy. Connue pour ses peñas épicuriennes, Bayonne leur attribue souvent des jolis endroits comme celui-là. Chargé d’histoire (la tour a été construite au 14siècle), le lieu est appelé casemate et trouve aujourd’hui une seconde jeunesse entre tradition gourmande ancestrale et bouillonnement culturel que l’on défend ardemment. À l’image d’une ville entière qui ne cesse de regarder vers l’avant, sans jamais oublier de souligner ses vestiges du passé.

Une vraie « Ville d’Art et d’Histoire » dans les règles de l’art.

Un guide hors pair

Né en 1957, en Nouvelle-Zélande, Andy embrasse une carrière de journaliste avant d’être happé par un « défaut » très néozélandais. « J’avais la bougeotte » avoue le guide bayonnais. On le retrouve ainsi vendangeur dans les Côteaux de Bourgogne en 1978. Puis le début des années 80 marque sa rencontre avec Dominique, qu’il épouse en 1982. Le couple s’installe à Bayonne, où la jeune femme a de la famille. Andy s’occupe de la partie restauration du Cinéma l’Utopia. À la fermeture de la salle, les hasards de la vie mènent Andy vers une formation inédite à l’époque. Bayonne s’ouvre au tourisme et Andy trouve sa vocation. En 1989, il intègre l’Office de Tourisme. Aujourd’hui il s’extasie encore et encore devant les secrets bien gardés de la ville : « C’est une ville qui se révèle au jour le jour, surtout pendant les travaux en cours. On démolit une cloison, et voilà qu’apparaissent des vestiges ». Ses visites sont ponctuées de salves humoristiques auxquelles l’accent donne une saveur toute particulière.

Bayonne… epic through the ages

It’s a city with its own personal hallmark and discernible charm. A city whose Great History has always been marked by smaller episodes: secret and comical anecdotes have punctuated the past of this Basque stronghold. The cobblestone streets of Bayonne recount its history through the ages, and for those who look hard enough, the city holds marvellous surprises at the end of every street and behind every door. In the narrow little passageways of Petit Bayonne, or in the more free-flowing streets in the city centre, gothic art merges with Middle-Age architecture. Beautiful through the ages, Bayonne is a city you have to be worthy of, rather than visit. Andy, our Kiwi guide, whose heart has been totally won over by Bayonne, wouldn’t say any different. So here goes for a visit full of spice and surprises – a visit with an accent!

On the square in front of Saint Mary’s Cathedral, he smiles and raises his arm to attract our attention. Andy Fisher, the most New-Zealand of the population in Bayonne, will be our guide for a very private visit of the hidden Bayonne, a Bayonne to be discovered off the beaten track. The mood is set even from outside the building “look at this ring on the front door. It was called the ring of refuge. It was thought that if you simply touched it, then you were protected”. We’re suddenly plunged into the extraordinary history of Bayonne – and it’s only the beginning. Andy asks us to look up above us: “we are in a village that has belonged to Gascony since the Middle Ages, but at the beginning of the 20th Century the Basques left their mark in the stone.” And there right in front of us, engraved under the archway of the Cathedral, is a Basque pelota player. The visit continues inside, peppered with amusing anecdotes. “In 2009 during cyclone Klaus, the small bell tower from one of the spires fell onto the inner vault. A few months later, at the ceremony to inaugurate the restored keystone, the town councillors and Chief Architect for Historical Monuments, came across this quite by chance.” Andy gets out his torch and plays the beam over two handprints. “If you look closely, the right and left hands are inverted. It’s now thought that they are most likely the stonemason’s signature and they’ve been dubbed ‘the mysterious hands.’ They’ve been there since the Middle Ages and nobody can be totally certain how they got there.”

HISTORY, EVEN IN THE SHOPS

Andy suggests that we go shopping in the streets of Bayonne. We smile. He assures us that we are in for a surprise, so we go with the flow. In Peytavin Sports, rue Argenterie, Andy takes us straight up to the first floor. “Welcome to the 15th century,” he says, smiling out from between two tennis rackets. “It’s a Middle Age gothic gateway,” Andy explains. In the middle of an aisle we contemplate this little piece of history; a little unexpected, yet imposing. A few streets further on, Andy takes us down into the basement of the “Ramuntcho” delicatessen. To our amazement, we find ourselves in a vaulted cellar. “There are currently 138 cellars from the 13th and 14th century in the upper part of Bayonne. From the rue du Pilori to the rue de l’Argenterie, all the shops have cellars like this one.” In the rue de la Salie, Andy opens the door to “Le Belzunce” restaurant and tea-rooms. He hails the owner and the waiting staff as he slaloms between the tables to end up in a splendid and completely unexpected patio. “We’re now in the courtyard of a private mansion that dates back to 1640. It’s in a typically French, Louis XIII style, a combination of brick and stone. It’s the only one of its kind in the city.”

HOUSES YOU CAN’T FIND ANYWHERE ELSE

At number 8, Rue Port de Castets, Andy is bubbling with enthusiasm, and we soon understand why. There before us, sandwiched between two half-timbered buildings, is the narrowest house in Bayonne. “You almost wonder if the owners sleep standing up,” jokes Andy, before going on to say a little more seriously; “In fact, these are the backs of apartments that fan out into the street just behind. So the walls are on a slant relative to the façade. It’s a perfect illustration of the major overcrowding in the city, with its very high, narrow façades, like those that can be found on the banks of the Nive.”

STAIRCASE TREASURES

In the rue du Port Neuf, the surprises are often hidden behind coloured doors. Set back a little from the Cazenave chocolate maker’s, the oldest staircase in Bayonne immediately catches our eye. It’s a disorientating construction. “It’s a series of successive, straight flights and dates back to the 17th century.”The turned wood balustrades almost make you feel dizzy to look at and, on the top floor, an 18th – century canopy adds the finishing touch to this impressive work of art. At number 32, the decor is completely different and Andy’s face lights up. “This is a 19th-centrury spiral staircase.” The spirals are enough to make your head swim. “You can see the specific style of Bayonne architecture and the existence of “twokey apartments.” 1

1. The « appartements sous deux cléfs » are buildings specific to Bayonne. Behind the narrow façade lies the first part of the building, followed by a small communal courtyard forming a light shaft to bring light into a second building at the other end of the plot. A stairway is used to access the different floors. The same family could therefore have living quarters “at the front” and “behind” the house, but had to use two keys to enter the different parts of the property.

FROM VAUBAN TO BASQUE PELOTA…

Another pleasant surprise awaits us towards the campus. Standing in front of the university library, again Andy’s eyes light up: “we have something decidedly modern here, but it’s a building that respects the lines of one of Vauban’s works: a structure based on an earth embankment. Everything was cleared from here so that the library could be built. On one side, eighty concrete latticework panels were created to let the daylight in, and on the other side, under the 45-degree slope of the embankment, the 30,000 volumes are safe and sound on their shelves.”

Not far from there, in the petit Bayonne, Andy suggests a sporting break… On the sublime terraces of the Saint-André trinquetour guide looks up and we follow his gaze to discover the beauty of the architecture: “it’s one of the oldest trinquets in the world and dates back to the 17th century. Back then, people played the jeu de paume3, and even shows were held here.” Beneath these timbers imbued with history, we sit back and imagine the matches of bygone days. “There’s now another trinquet in Bayonne called the Trinquet Moderne which, as its name suggests, better corresponds to current practices. The walls are made of glass, which makes it easier for the matches to be broadcast on television.”

2. A quadrangular court with a concrete floor, used for playing Basque pelota. 
3. A ball-and-court game that originated in France.

 

Before we go our separate ways, we happen to walk past the Tour de Sault that still reigns over the Nive. Attracted by the ancient building and especially by the delicious smells emanating from it, still accompanied by an enthusiastic Andy, we decide to go in. Inside we discover a group of consummate food-lovers in the throes of making preserves and a whole host of other terrines. “Welcome to the Brotherhood of Bayonne Ham” Andy exclaims. Renowned for its epicurean peñas4, Bayonne often gives them beautiful settings like this one to enjoy. Steeped in history (the tower was built in the 14th century), the place is called a ‘casemate’ and has been given a second life today, somewhere between ancestral gourmet traditions and a cultural vibrancy that is keenly defended. It is a reflection of an entire city, resolutely forwardlooking, without ever forgetting to highlight its past treasures.

A textbook “City of Art and History,” just as it should be.

4. A peña is a group of friends who meet to share a common interest or passion, in an informal, festive atmosphere.

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ANDY: A ONE-IN-A-MILLION GUIDE

Born in New Zealand in 1957, Andy threw himself into his career as a journalist before being caught out by a “failing” very characteristic of New Zealanders. “I got wanderlust,” confesses the guide from Bayonne, which is how he ended up grapepicking in the Coteaux de Bourgogne in 1978. Then at the beginning of the 80s, he met Dominique, whom he married in 1982. The young couple settled down in Bayonne, where Dominique already had family. Andy was responsible for catering at the Utopia cinema. When that finally closed down, fate led Andy to take a training course – the first of its kind at the time. Bayonne was starting to embrace tourism and Andy found his vocation. Even today, he still marvels time and time again as he reveals the well-kept secrets of the city to visitors. “It’s a city that is uncovered a little more each day, and particularly when building work is going on. A partition wall is demolished, and lo and behold, more remains from the past are discovered.” His tours are animated with bursts of humour, his native accent giving the comical anecdotes a little extra je-ne-sais-quoi.

BLOSSOM #04 
Visite privée
Bayonne… épique à travers les époques

Rédaction : Stéphane BAILLET
Photographe : Jean-Michel DUCASSE

BAYONNE
64100 Bayonne
Visites guidées toute l’année
Renseignement : 05 59 46 09 00
www.bayonne-tourisme.com