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Au cœur du Madiran, les vignobles Brumont

Découvreur de terroirs, créatif passionné et omniscient, Alain Brumont règne en Madiran sur 300 hectares de vignes et plus de 26 cuvées, dont les célèbres Château Montus et Château Bouscassé. Sur quelques vingt kilomètres et une dizaine de terroirs se raconte une histoire de partage, de goût et de qualité.

CEP BY CEP...

Les épaisses brumes matinales ne sont pas rares en ce début d’automne. Le vignoble de Madiran se mérite et se découvre au fil d’une route sinueuse, bordée de forêts ombragées et de champs de céréales. Cette terre aux pieds des Pyrénées, entre Gascogne, Béarn et Bigorre, c’est la terre d’élection d’Alain Brumont, incubateur du meilleur de l’appellation, entre autres autour de Château Montus et Château Bouscassé.
Son parcours est l’histoire d’une intuition que l’on écoute. Une histoire d’efforts et d’émancipation, aussi. L’odeur du chêne magistral et les courbes délicates du paysage s’inscrivent très tôt dans la mémoire de celui qui naît et grandit au domaine Bouscassé, sur les terres familiales. « Je suis un pur produit de cette région qui mêle Gascogne, Béarn et Bigorre. Dès l’âge de 16 ans, j’ai travaillé les vignes et la polyculture avec mon père. Et puis à 30 ans, j’ai eu envie de faire les choses à ma façon. Le château Montus, alors en ruine, et vingt hectares de vignes étaient à vendre. J’ai réuni l’argent en revendant un moulin que j’avais retapé en gîte et en sollicitant des copains qui m’ont demandé en échange quelques bouteilles de ma future première cuvée. Tout le monde m’a pris pour un fou ! Moi je savais que ce terroir de gros galets était exceptionnel pour produire un très grand vin ; et puis Montus avait quand même été le vin préféré de Napoléon Ier ! » raconte, intarissable, le maître des lieux. Alors il remonte le château pierre par pierre, tout en réfléchissant à son vin et à ces fameux terroirs dont il perçoit le potentiel. À l’inverse de tout le monde, il plante sur les reliefs, fait le pari du 100 % tannat dès 1985, densifie les parcelles mais allège les ceps, respecte la biodiversité du territoire.

Le premier millésime Montus sort en 1982 et fait le tour du monde. Il est très vite reconnu par la critique oenologique émérite, de Pierre Casamayor à Michel Bettane ou Jacques Dupont. Aujourd’hui, Montus truste le classement des 100 meilleurs vins du monde, figurant régulièrement parmi les icônes du top 10 mondial, en embuscade des plus grands crus du bordelais ou de bourgogne. Pour construire Bouscassé et Montus, Alain Brumont n’a de cesse alors de s’inspirer des meilleurs, nourri aux rencontres exceptionnelles qui jalonnent sa vie, du baron de Rothschild à Marcel Guigal en Côte-Rôtie ou encore Michel Guérard, le voisin triplement étoilé qui a érigé la gastronomie du Sud-Ouest en art. Dévoreur de livres, marcheur inlassable, jamais rassasié d’apprendre et de comprendre, Alain Brumont n’aime rien tant que les échanges avec tous ces grands de la gastronomie française qui valorisent les filières de qualité. « Quand Dutournier, Ducasse ou Guérard me voient, on parle de création et des mécanismes de la création dans nos domaines, jamais de technique » s’amuse-t-il.

26 cuvées, entre prestige
et convivialité

Montus l’icône ambassadeur du tannat et sa parcelle mythique La Tyre Bouscassé six terroirs, entre tradition et émotion. Vieilles Vignes, Bouscassé, Les Jardins Philosophiques (blanc), Argile Rouge, Menhir, Vendémiaire, Brumaire et Frimaire (vendanges tardives). Segondine le joyau face à la Tyre Laroche-Brumont le 3e grand terroir de Madiran Torus le madiran nouvelle génération La Gascogne (rouge, blanc, rosé) les micro-terroirs qui racontent le bien-vivre du Sud-Ouest

Traduire l’esprit
des lieux en vins d’exception

Depuis près de quarante ans, la méthode Brumont valorise le retour d’expérience et un entourage de fidèles. À la direction générale du Groupe, c’est aujourd’hui Laurence Brumont qui traduit les projets en actes. « Je suis là pour développer ce qu’il crée. Alain reste avant tout un créatif, un vigneron artiste ; il a des rêves qu’il veut transformer en réalité. Alors quand il lance une idée, j’essaye de la concrétiser ! » résume avec un sourire celle qui est son bras droit, son épouse et sa partenaire privilégiée au domaine.
« Avec Alain, on s’est rencontrés autour du développement du château Montus, je travaillais alors dans l’écotourisme. J’ai découvert son énergie. Mon travail consiste aujourd’hui à traduire cette énergie. Alain a le fond, pas toujours la forme ! C’est un bâtisseur, mais il a besoin qu’on l’aide à se poser. C’est un autodidacte qui a un parcours incroyable dans ce milieu. Je suis là pour l’épauler sur l’excellence qu’il veut toujours atteindre » ajoute Laurence Brumont. Aussi posée qu’il est hyperactif, réfléchie qu’il est intuitif, elle partage avec lui une énergie positive, le goût des choses vraies et de cette nature enveloppante ou capricieuse qui entoure les vignes. Car le vin reste le domaine des aléas, des surprises et des impondérables. Déterminée à développer l’esprit Brumont et nourrie aux challenges, Laurence Brumont prône aussi un savoir-être collectif qui fait partie intégrante de l’entreprise. « L’ADN de cette entreprise ne peut perdurer qu’avec cette philosophie du dépassement de soi, du respect de l’environnement naturel et culturel, du regard bienveillant qu’on porte sur ces terres » renchérit celle qui aime plus que tout les forêts de chênes et les couchers de soleil sur les vignes. « Les voyages que j’ai faits m’ont fait prendre conscience de la chance qu’on avait de parcourir nos paysages. Nous avons aussi envie que la maison Brumont soit un moteur de la région qui valorise toutes les filières de qualité. » Un état d’esprit qui séduit à l’étranger puisqu’aujourd’hui 64 % du chiffre d’affaires est réalisé hors de l’Hexagone. « Il faut être audacieux. On veut encore aller plus haut en terme de qualité, accroître nos équipes, avoir des collaborateurs heureux sur nos territoires » conclut-elle.

De la vigne à la table

Les collaborateurs se retrouvent tous les midis à la table Bouscassé. Une institution où se croisent les employés comme les invités prestigieux. Le chef maison y concocte des plats riches en couleurs et en saveurs qui valorisent le potager de Bouscassé et tous les produits locaux. « Nous avons une région gastronomique extraordinaire, justifie Alain Brumont, j’ai envie de soutenir tous ces produits et ces filières de qualité. D’ailleurs maintenant, les gens viennent autant visiter notre potager que les jardins d’ornement ! » Cet intérêt pour le local est une autre de ces marottes.

« Je veux tout lier au terroir » déclame quasiment Alain Brumont. Une de ces phrases chocs et entières qu’il aime asséner lors de ces déjeuners où le tutoiement est de rigueur et les discussions sans filtre.
Chercher, inventer, créer, pour continuer à hisser haut ses millésimes, Alain Brumont a choisi de s’entourer de fidèles, rompus à une méthode qu’il aime résumer ainsi : « C’est celui qui cherche qui avance. » Un doux mélange d’impatience, de doute et d’envie parfaitement maîtrisé par Jacques Busipelli, le chef de culture, Fabrice Dubosc et Alain Dutilh, les deux directeurs techniques sur Montus et Bouscassé également présents dans le comité de direction ou encore Florian Dupuy, le jeune maître de chai de Montus depuis 2012. Tous les lundis, les équipes se retrouvent pour une grand-messe rituelle. « On y présente à Alain le programme de la semaine, nos projets, nos recherches en cours » raconte Fabrice Dubosc. « Je me vois comme un coach, on ne doit pas s’endormir sur nos acquis », lui répond Alain Brumont. À voir son oeil pétiller quand il évoque ses vins ou sa parcelle d’exception de la Tyre, on se dit qu’il n’est pas prêt de baisser la garde.

“ Raconter l’esprit Brumont,
c’est une chance ”

« J’ai fait un BTS viticulture en alternance et une spécialisation commerce de vin chez Alain Brumont. J’ai commencé comme apprenti et je suis passé par tous les postes, de la distribution aux chais sur Bouscassé. Comme je suis d’une nature curieuse, j’ai emmagasiné des connaissances, des retours d’expérience. Aujourd’hui, je suis chargé de développer l’oenotourisme pour les particuliers, j’en suis à ma 4e vinification. On reçoit sur le domaine les plus grandes écoles de sommellerie et d’oenologie, les icônes mondiales du vin mais aussi des particuliers passionnés. Développer les animations et l’oenotourisme pour les particuliers, dans l’esprit de la maison Brumont, cela me tient à coeur. Comme on mise ici sur la qualité du vin, on passe beaucoup de temps à expliquer, à montrer qu’on peut faire de grands vins avec du pur tannat. Et la visite se termine par le repas à la table Bouscassé, une institution ! Je continue de me former pour évoluer, progresser. Le domaine Brumont est devenu une zone d’accueil reconnue dans l’appellation Madiran et il n’est pas rare que les gens y passent deux ou trois jours. Au final, le vin ce ne sont pas des mots, c’est du vécu ; alors rien ne vaut d’arpenter les vignobles… » ajoute Thomas Baillac.

“ Un bon vin, c’est un terroir,
un cépage et des hommes ”

« Cette parcelle de La Tyre, c’est un peu une blague, je l’ai découverte par hasard en rentrant d’une fête de village au volant de ma Simca 1000. » On ne saura jamais si l’histoire est vraie ou si la légende s’est romancée au fil des ans. Peu importe. La petite colline en friche est devenue le plus haut coteau de l’appellation Madiran et de Montus. Et un terroir d’exception de 10 hectares, qui surplombent 4 régions (le Béarn, La Bigorre, la Gascogne et les Landes), dominé par son observatoire en bois érigé autour d’un chêne bicentenaire, « le coeur de tout ici, le dominateur » aime rappeler Alain Brumont. Ici sont produits les millésimes prestigieux de La Tyre depuis 2000. « Montus, La Tyre, pour les gens, cela symbolise la réussite et le haut de gamme et même des cuvées porte-bonheur ; d’ailleurs beaucoup de grandes entreprises de la région sont venues y signer de gros contrats ! » raconte-t-il fièrement.

Les hommes qui font le vin sur ces terres d’exception ne sont jamais loin de ceux qui les apprécient. « À un moment donné, si tu veux réussir, tu dois partager » poursuit Alain Brumont, jamais lassé à soixante-douze ans d’arpenter ses vignes avec des jeunes étudiants, des oenologues confirmés ou des sommeliers du monde entier venus s’imprégner de sa méthode. « L’important, c’est d’avoir un concept à soi. Je me méfie par exemple des discours tout faits sur la biodynamie ou le bio, nous on va plus loin avec des vins sans intrant et des méthodes à nous, trois ans d’élevage en barriques, trois ans de repos pour les rouges. Nous sommes en train de formaliser ceci à travers une certification de notre vignoble au label HVE (Haute Valeur Environnementale), un label d’avantage axé sur le bio-environnement et la biodiversité. Je veux qu’on ait de l’avance sur ces questions. J’ai compris très vite que les grandes appellations respectaient une certaine densité et qu’elles nécessitaient de très belles barriques pour que le vin développe tous ses arômes. Sur tout cela, on ne triche pas et je veux qu’on ait toujours de l’avance techniquement. » Autonome sur le fonctionnement de son entreprise mais ouvert à ce qui se fait ailleurs, Alain Brumont n’est pas peu fier de dire que les grandes régions viticoles d’Espagne ou d’Italie le consultent désormais, lui qui fait sienne une certaine vision de la biodiversité. Convaincu qu’il faut toujours chercher l’excellence, Alain Brumont continue inlassablement de faire parler ses terroirs et de viser le meilleur du Madiran. Tout un état d’esprit qu’il aime capturer dans ses bouteilles.

“ faire un vin qu’on aime,
c’est un privilège ”

« J’ai rencontré Alain Brumont sur une piste de ski, en 1992. J’étais étudiant en oenologie. Je suis venu en stage ici et j’ai découvert un homme créatif, dynamique, sans barrière. J’ai travaillé au Château Margaux, chez Guigal en Côte-Rôtie, et Chiroulet, et je suis revenu en 2001 à temps plein. L’esprit d’équipe est prépondérant ici. Avec Alain Dutilh, qui est là depuis trente ans, on le cultive. Tout est possible ici si l’on respecte les terroirs c’est-à-dire l’environnement, le sol. Cette diversité des terroirs offre un terreau de création formidable et donne de la personnalité à chaque appellation, à chaque cuvée, à chaque millésime. Mais l’humain est aussi important que le terroir. Pour faire sa place auprès de M. Brumont, il faut être passionné, réactif, force de proposition et bien sûr au point techniquement. Il est très avide de nouveautés, souvent pressé certes, mais ouvert et fédérateur ! Il nous encourage à créer, essayer des choses, à imaginer, à “renifler” les terroirs pour en extraire la quintessence. La technique, cela s’apprend, mais la culture du vin se transmet par les hommes et c’est le principal enseignement d’Alain Brumont. Ce qui me plaît, c’est de produire avec cette idée que le vin va prendre tout son temps pour donner le meilleur. Du coup, on a la chance de faire des vins avec de la personnalité et moi je fais le vin que j’aime » résume Fabrice Dubosc, directeur technique et oenologue général des vins Brumont.

“ 31 vinifications ce sont
31 histoires différentes”

« De formation agricole, je suis entré chez Alain Brumont pour un stage de trois mois en 1987. Ces trois mois sont devenus 30 ans, 31 vinifications et 31 histoires différentes » raconte fièrement Alain Dutilh, le directeur technique du Château Bouscassé. « J’ai appris, gravi les échelons, me suis formé à la vigne, à l’oenologie. Mes deux premières années ici, je les ai passées auprès d’Alain Brumont. C’est un très bon formateur qui sait transmettre l’envie et la connaissance. Ça m’a tout de suite plu d’être tiré vers le haut. Alain est très demandeur d’innovations. Tout ce qui peut faire évoluer son vin, il y réfléchit. Alors on fait des essais, on tente des choses. J’ai essayé d’apporter ma vision, en particulier sur les blancs qu’il ne travaillait quasiment pas au début. Dans notre métier, on a un jugement immédiat sur notre travail. J’aime le contact avec ceux qui aiment déguster nos vins. Cela m’a donné l’occasion de rencontres inédites, comme cette journée particulière passée en compagnie de Tom Cruise et de Nicole Kidman, il y a quelques années. Ils séjournaient chez M. Guérard et avaient goûté un château Bouscassé qu’ils avaient énormément apprécié. M. Guérard leur a conseillé de venir visiter notre domaine. Cela a été un vrai moment de partage entre passionnés, un très bon souvenir ! Il n’y a pas de routine dans notre métier, cela change tout le temps et, de toute façon, la nature et le climat s’amusent à nous rajouter de l’imprévu ! Il faut être intellectuel, manuel, créatif, aimer manger, goûter. On n’a pas qu’un seul métier chez Alain Brumont et il y a une grande diversité ici car on vinifie beaucoup de vins différents en expérimentant plusieurs techniques. J’aime particulièrement le moment où les vendanges se terminent, quand on commence à sentir ce que les parcelles vont donner, puis quand on fait le choix des tannins, qu’on pense aux assemblages ou que l’on fait l’état des lieux des cuves afin de sentir ce qu’ont donné les terroirs soigneusement sélectionnés depuis 40 ans par Alain Brumont. La vie ici est organisée pour que les vins continuent de rayonner longtemps en portant haut les couleurs du Madiran… » ponctue-t-il.

“ Le vin c’est du vivant ”

« Comme je suis issu d’une famille viticole, la vigne a toujours fait partie de mon paysage personnel. J’ai suivi un cursus classique – BTS viticulture et oenologie, et j’ai fait mes premières armes dans les graves à Langon puis en Gascogne. Je suis arrivé à Montus en 2012 en tant qu’assistant maître de chai puis maître de chai. Je suis toutes les étapes, de la réception du raisin à la préparation du vin, l’élevage, la vinification, l’assemblage. Tout se fait en équipe avec Fabrice Dubosc, Alain Dutilh et Alain Brumont. On a des visions différentes mais complémentaires et tournées vers le même objectif, la qualité. Le style Montus ? Je dirais que c’est un vin puissant, avec du caractère et de l’élégance. On travaille vraiment les touches finales dans la subtilité, loin des clichés sur le Madiran. C’est un vin qui a un potentiel de garde très élevé. Le vin, c’est du vivant, en perpétuelle évolution. Il faut toujours creuser, expérimenter, essayer des cépages, des techniques, échanger avec des confrères étrangers comme on a pu le faire cette année. Ce goût de la recherche et développement m’anime chaque matin. Et puis Alain Brumont nous pousse à avoir des idées, à aller voir ce qui se fait ailleurs, à ne jamais nous endormir. Il est en permanence en veille et cela nous motive pour progresser. »
Florian Dupuy, maître de chai au Château Montus

BLOSSOM #05
Visite privée
Écurie Rouget

Rédaction : Nathalie FAURE
Photographe : Jean-Michel DUCASSE

VIGNOBLES BRUMONT
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