Haut

Boucherie Notre Dame

Le garçon boucher

Il en a le côté rock alternatif et le sens du partage. À Lescar, Romain Étienne porte son métier en étendard. Avec une générosité chevillée au cœur et à l’âme, il revendique avec passion un artisanat d’excellence. Sans fracas ni blabla. RENCONTRE.

C’est la boucherie en rose. Celle qui fait face à la cathédrale de Lescar. Mais la vie de Romain n’a pas toujours eu cette couleur. Le parcours fut rugueux. Comme le rugby qu’il a pratiqué longtemps. « 30 ans de licence, c’est quelque chose ! » lance-t-il fièrement.

Romain naît à Paris, sur la Butte Montmartre. Un vrai titi parisien. Les parents tiennent une boucherie. Comme les grands-parents avant eux, spécialisés dans la viande chevaline. Le départ de la famille dans le Lot, à Laburgade, signe l’entrée dans le grand Sud-Ouest, au pays de la truffe et du terroir. À Cahors, Romain découvre le rugby. Plus qu’un sport, une seconde famille, des valeurs, des amitiés. Il passe un CAP équidé, puis un CAP bovin et le Brevet Professionnel à Paris. À l’École Professionnelle de la Boucherie de Paris, il fait la rencontre de Claude Anthierens (MOF) et de Bernard Merhet, président des artisans bouchers franciliens. Ce mentor lui apprend la qualité, la précision, la discipline.

Suite au décès tragique de son père, Romain revient aider sa mère à Cahors. Il a l’intuition qu’il doit pousser ses compétences. « Transformer le produit, je savais le faire, acheter les bêtes, pas du tout. » Il sent aussi qu’il doit inscrire son métier dans la modernité. Il repart sur Rungis pour « comprendre les ficelles des achats, reconnaître la qualité des bêtes, négocier, gérer les flux ». Sur son temps libre, la boue et la gentille castagne de l’ovalie le happent à Vincennes et au PUC. Ces clubs continuent de parfaire son éducation d’honnête homme. À 30 ans, il rencontre Clarisse qui pratique elle aussi le rugby. Il ne sait pas qu’elle s’appelle Lapasset, le patronyme tarbais synonyme de respect dans le monde de l’ovalie. « Ça pouvait être rugueux avec Bernard, mon beau-père, mais il m’a appris à être humble, modeste et m’a ouvert l’esprit. » Clarisse deviendra la mère de ses trois filles − Aurélie, Charlotte et Inès − sa femme, le pilier sur lequel il s’appuie. Elle a le mal du pays, de ses Pyrénées qu’elle aime tant, entre vallée d’Ossau et Pic du Midi de Bigorre.

Un an après la naissance de leur première fille, le couple arrive à Pau. Romain trouve un emploi aux abattoirs dont le patron est André Lestorte, président de la Section paloise. Le rugby n’est jamais loin de sa vie professionnelle. Puis ce sera Carrefour, comme chef boucher, grâce à Jean-Michel Bedoura, autre figure locale. « Ce fut une expérience intéressante sur le management et le prévisionnel. » Enfin, Laruns, trois ans durant, dans la boucherie familiale du charcutier-conteur Jean-Claude Coudouy. Il faudra attendre la rencontre en 2010 avec Jean-Louis Bégué pour que Romain foule Lescar. « Jean-Louis était une figure locale. J’ai vu des clients pleurer dans la boutique quand il a annoncé sa retraite. » Il rachète le fonds à la parole, s’impose petit à petit et prend des responsabilités sur la filière, en tant
que co-président des bouchers du 64. Avec son tablier rose, Romain continue de surprendre, toujours soutenu par sa famille, son socle, son oxygène.

100 % FAIT MAISON ET SANS SEL NITRITÉ

Sa philosophie tient en quelques mots : qualité, excellence, fait maison, achat de très bons produits loin des modes et hors du cadre classique du Béarn. « Je veux proposer autre chose en sélectionnant des viandes des meilleures provenances : des côtes de boeuf persillées ou du veau du Limousin, de l’agneau du Quercy, du coeur de rumsteack  Blonde d’Aquitaine, du porc fermier label rouge, du porc noir gascon. » Il fabrique, sans nitrite, saucisses au couteau, boudin maison ou jambon blanc et sec au sel de Salies proposés en chiffonnade. Il n’est pas peu fier d’exposer sa trancheuse Berkel réparée par son ami, Jean-Louis Laulhé. « C’est tout du mécanique, ça respecte la chair du jambon, je suis fan absolu ! » Elle trône en vitrine, à côté de sa trompe de chasse − son autre passion − et des produits d’épicerie, trouvailles de copains et fruits de belles rencontres : Pastis d’Amélie, Cahors Clos des Pradelles de Campoy, Jurançon Cru Lamouroux.

Se raconter lui plaît, évoquer son parcours l’émeut, mais « ça m’épuise » lance-t-il en boutade. « J’aime être sous pression, aller vite. Je compense par l’esprit là où le corps montre quelques signes de fatigue ! ». L’esprit domine le corps. C’est bien là une formule de rugbyman qui sait ce que son sport lui a donné et ce qu’il lui a pris. Sa bonhommie cache un esprit ultrasensible qui canalise les émotions en première ligne et la passion en ligne arrière. Sans rien céder à la sincérité, à l’authenticité et à l’envie de partager.

Boucherie Notre Dame  

05 59 81 00 61
10 rue de la Cité
64230 Lescar

Du lundi au samedi
9h – 13h / 16h – 19h30

Social

Texte : Nathalie Faure
Photographe : Patrice Martins de Barros